Aoi se passa doucement la main sur le visage. Toute cette histoire commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs et sa blessure à l'épaule, de par la douleur qu'elle répandait, n'arrangeait rien pour sa patience. C'est à peine s'il avait compris en détail les tirades du seigneur Naîto et du seigneur samouraï et cela l'énervait encore plus. Trop de parlote à son goût et rien pour faire avancer les choses. Il avait été formé pour l'espionnage, par pour la négociation après tout ! Il aimait que les choses se fassent vite et bien et en l’occurrence, ils y avaient déjà mis un certain temps et ça n'était pas prêt d'aboutir.
Shigeru se décida à y mettre du sien en jouant la carte du respect. Le ninja soupira bruyamment et s'avança à son tour d'un pas décidé et se plaça un pas devant le samouraï du clan Ryûzoji.

- J'aimerai bien que nous n'y passions pas la nuit. Déclara-t-il d'un ton claquant. Les tirades diplomatiques, ce n'est pas ce qu'on m'a appris et il est vrai que je ferais mieux de me taire dans cette situation mais ma patience commence sérieusement à s'épuiser. Personne ne nous a demandé notre avis pour venir « sacrifier nous histoires et nos valeurs » mais nous le faisons quand même. Pourquoi ? Parce que c'est ainsi que le monde fonctionne.

Il reprit son souffle et poursuivit d'un ton un amer.

- Dans la vie, il y a ceux qui ordonnent et et il y a ceux qui font. Nous, on nous ordonne et que cela nous plaise ou non, on exécute. Pourquoi ? Parce que s'y on essayait de satisfaire tous le monde et si on faisait uniquement ce qui nous paraît normal et juste, on n'y arriverait jamais et c'est comme ça que les guerres finissent par se déclencher ; parce qu'on est jamais content. Je n'ai jamais vécu directement de guerre, c'est vrai, je ne sais pas ce que vous avez vécu mais au fond, je crois que cela ne m’intéresse pas.
Je ne sais pas exactement ce que c'est, votre problème avec l'empereur et en fait, je m'en contrefiche. D'accord, je ne le connais pas l'empereur, je ne sais pas quel genre de personne il est, si c'est quelqu'un qui recherche la paix ou juste un humain de plus qui cherche à satisfaire sa mégalomanie. Mais au bout du compte, peu m'importe. J'ai un supérieur en titre qui me dit d'aller chercher un miroir dans une tour à l'apparence plus que malsaine à l'autre bout du pays, et bien je le fais, que ce soit pour la paix ou pour la guerre. L'histoire a décidé ce serait cet empereur qui donnerait les ordres, et c'est ainsi, on ne peut rien y faire.
Et en plus, vous voyez, quand on vient de s'avaler la traversé du pays à cheval, qu'on a manqué de se faire écraser par les murs, qu'il a fallut résoudre un énigme qui a conduit à jeter quelqu'un dans les flammes sans pour autant être sûr qu'il le méritait et qu'après s'être fait empoisonné le cerveau par du gaz neurotoxique qui nous a ni plus, ni moins conduit à manquer de nous embrocher mutuellement pour nourrir la population araignée de cet endroit, on nous dit que cela n'a servit à rien parce que vous ne voulez pas nous remettre le miroir, je pense qu'on est en droit d'insister dans notre demande et je vais vous le demander clairement ; Est-ce que vous pouvez nous donner ce fichu miroir qu'on puisse partir ?

Il continua de fixer l'homme du clan Naitô qu'il n'avait pas quitté des yeux pendant sa tirade. Soudain, il repensa alors au deuxième homme qui avait disparu peu de temps après leur entré puis aux signes qu'avait discrètement fais le seigneur Akamatsu. Le langage de guerre n'était pas sa spécialité mais il lui semblait avoir compris qu'il faisait référence au deuxième homme. Il leva son regard et éleva un peu la voix ;

- Pendant qu'on y est ; Hé, toi, caché derrière le trône ! Je préfère voir les gens quand je sais qu'ils sont là. Qu'est ce que tu caches, d'ailleurs ?

Spoiler:

Aoi se pencha légèrement sur le côté pour tenter d'avoir un aperçu minimal de l'arrière du trône. Moins d'une seconde après son geste, une lame froide et acérée frôla son cou, l'entaillant assez pour laisser couler un filet de sang, mais pas assez pour être fatal. La réaction du ninja ne se fit pas attendre. Se jetant souplement sur le côté, il agrippa fermement ses deux kodaichis et les arracha à leurs fourreaux avant de se placer en position de combat, le bras gauche tendu devant lui, le droit plus replié, les jambes fléchies, prêt à réagir à la prochaine attaque.

« Je déteste quand les gens font ça...Grogna-t-il. Juste parce que cela me prouve que je suis encore trop peu expérimenté pour les avoir remarqués. Et, bon sang, que ça m'énerve...»

Il se demanda un instant si ce n'était pas le moment opportun pour mettre à profit son pouvoir. Cependant, il ne l'avait encore jamais utilisé et il savait que son manque d’expérience en la matière pourrait sérieusement le mettre à mal. De plus, sa vague invisibilité serait elle suffisante pour berner le samouraï en face de lui ? Il se mordit la lèvre inférieur. Sa clan était réputé pour avoir les meilleurs espions. Seulement, voilà : les espions n'étaient pas censés se faire remarquer et dans la situation présente, c'était raté. Il réfléchi

« J'aurais dû y penser avant, laisser les samouraïs passer devant et rester caché pour intervenir par surprise au bon moment. Imbécile ! » Se gifla-t-il mentalement.

Il regarda rapidement autour. La pièce était vide – hormis le trône – et il n'y avait aucun endroit où se dissimuler. Il n'avait plus vraiment le choix. Il inspira et fonça sur son adversaire, visant l'abdomen. Il se baissa au moment où il passait à sa gauche pour tenter d'éviter une représaille tout en portant son coup avec violence de la main gauche. Une fois derrière le Naitô, se redressant, il ne prit par le temps de vérifier si son attaque avait été effective et commença à décrire un arc de cercle en courant.

« Maintenant ! » Pensa-t-il.

Il activa son premier pouvoir et décida de jouer le tout pour le tout pendant le peu de temps qu'il pouvait maintenir sa capacité, bifurquant aussi vite qu'il le pouvait sur le capitaine, lames pointées vers son ennemi.

Le ninja avait foncé sans se poser trop de question, lames en avant, et remarqua à peine quand le Naitô en face de lui rangeât ses armes – qui avaient, au passage, changé de longueur...-. Pour ainsi dire, il ne chercha même pas à repérer la position de Shigeru. Et à présent, il s'en maudissait intérieurement.
Seul un de ses coups avait porté ses fruits. Une seule fois sa lame avait transpercé l'armure de l'alchimiste. Évidemment, cela ne suffirait pas à vaincre le capitaine mais c'était déjà une bonne chose de faite. Et peut être bien la dernière chose qu'il allait faire vu la position dans laquelle il se trouvait.
Il laissa échapper un gémissement bref, mélange de surprise et de douleur, quand le Naitô lui saisit le poignet et le tira d'un côté, malmenant son épaule blessée dans la chambre des gaz neurotoxiques. Les yeux du shinobi s'agrandirent lorsqu'il vit Shigeru foncer sur lui. Le capitaine se servait de lui comme un bouclier humain. Cependant, au vu de la vitesse du samouraï et de l'absence d'armure d'Aoi, le corps de ce dernier ne suffirait pas à arrêter la lame.
Durant un instant, le ninja déstabilisé songeât à se laisser tout simplement transpercer sans réagir, dans l'espoir que l'attaque de Shigeru mette définitivement à mal leur adversaire commun. Mais il avait tout de même son orgueil.

''Navré, Shigeru, mais ce n'est pas encore aujourd'hui que je vais me laisser tuer par quelqu'un du clan Ryûzoji, surtout si c'est dans une mission pour l'empereur !''  

Au dernier instant, alors qu'il se voyait déjà mourir, Aoi leva son second kodachi, d'un mouvement hasardeux. La lame du samouraï fut alors dévié, juste assez pour éviter à l'Hayashi de se faire fatalement transpercer, mais pas assez pour éviter le coup.
Il sentit la lame déchirer le tissue de sa tunique puis sa peau, sa chair, ses entrailles. Il serra les dents, lâchant un hurlement à demi-assourdi sous l'effet de la douleur lancinante alors que l'arme le transperçait, priant pour que le coup soit aussi sévère sur le Naitô derrière que sur lui même. Sa vision se troubla un peu, conséquence aussi bien de la douleur que de la perte de sang.

« Désolé, enfoiré, mais comme je ne porte pas d'amure, tu viens sûrement de remarquer que les ninjas ne sont pas très pratique dans le rôle de bouclier. Et puis, d'abord, je ne suis pas ton objet ! »

Pour appuyer ses paroles, il ramena son bras libre qui avait servit à dévier l'attaque de Shigeru, retourna son kodachi pour que la pointe de la lame soit vers l'arrière et, usant de sa souplesse, porta aveuglement un violent coup au côté son ennemi à l'arrière, probablement le dernier qu'il pourrait assener durant ce combat.

La fatigue. Non, l'épuisement. Shinkirou l'avait épuisé. La douleur. Le sang de ses blessures. Celle dans la salle des gazs, celle que lui avait « involontairement » assené Shigeru lorsque le ninja avait fait office de bouclier humain. Il lui semblait que ses sens défaillaient. Il n'entend plus que de vagues sons semblant venir de loin, sa vision était floue, son corps n'était que douleur, il n'y avait plus d'odeur. Genjitsu et Yume étaient trop loin de lui pour qu'il les saisisse.

'' Je vais mourir...'' Pensa simplement Aoi.

C'est alors qu'un étrange sentiment le parcouru. Le même qu'il avait perçu plusieurs mois auparavant. La sensation de comprendre quelque chose, d'accéder à quelque chose de nouveau, de devenir plus fort. Sa vision retrouvait un semblant de netteté. Il entendit les bruits provenant du combats des deux seigneurs. L'odeur de pourriture de la tour. Le goût du sang sur sa langue. La froideur de la pierre, la chaleur du sang. Un rictus se dessina sur les lèvres du shinobi. La détermination.
Il plaqua les paumes de ses mains au sol et, se mordant la lèvre inférieur pour refouler la douleur, commença à se redresser. Il tuerait le Naîto. Quitte à mourir d'épuisement ou d’hémorragie, il lui infligerait la mort.
Alors qu'il était sur le point de se lever, ayant encore un genoux à terre, il analysa les mouvements du samouraï du clan Ryûzoji. Il vit son bras serrer son katana, le lancer. Il le vit basculer en arrière. Cela n'avait aucune logique. Le katana allait rater sa cible. Puis ses yeux s'écarquillèrent. Aoi bondit sur ses jambes, dégainant un kunaï. Il avait compris. C'était parfaitement logique en fin de compte.

''Kaisou !'' Pensa le ninja aussi fort que son esprit le lui permettait pour se donner la force de mettre un terme à cette mauvaise pièce de théâtre.

Sa « réminiscence » fila devant le capitaine à une incroyable vitesse, visant l'abdomen avec sa courte lame. Dans la même seconde, Aoi fila lui aussi mais à l'arrière de leur ennemi, plus rapide, plus silencieux qu'un chat. Quand il arriva à l'endroit stratégique, il lâcha son kunaï, saisit le katana au vol et, avec toute la force du nikai, avec plus de force qu'il n'en avait jamais eus, il enfonça l'arme de Shigeru dans le dos du capitaine de manière à pourfendre le cœur. Il pouvait pas le rater. Il ne devait pas le rater.